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RCCJP – Volume 66.1

La cybercriminalité : Approche écosystémique de l’espace numérique

Par Benoît Dupont
Paris : Edition Armand Colin. 2024. 227 p.

La cybercriminalité est en pleine expansion et constitue l’un des sujets dans les domaines de la sécurité et de la criminologie. En effet, la délinquance évolue nécessitant la mise en place de nouvelles mesures pour y faire face le plus efficacement possible. Benoît Dupont, professeur à l’École de criminologie, titulaire de la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité et directeur scientifique du Human-Centric Cybersecurity Partnership (HC2P), aborde cette transformation dans son dernier ouvrage, « La cybercriminalité : Approche écosystémique de l’espace numérique » paru en 2024. L’objectif de l’auteur est d’examiner la cybercriminalité et la cybersécurité sous un prisme inédit, celui de l’écologie. L’ouvrage se démarque alors par l’approche interdisciplinaire employée.

Différents concepts sont abordés dans le livre, tel que les communautés, les entités, les relations, les modes de régulations, et bien plus. L’auteur y explore l’émergence de la cybercriminalité et son évolution sous une perspective écologique, détaillant les interactions entre les différentes communautés et entités impliquées dans ce phénomène criminel, tant dans sa prévention que dans sa commission. Ce qui rend cet ouvrage particulièrement intéressant, c’est la proposition de solutions pratiques et réalistes, visant à améliorer la sécurité de l’ensemble de la population et de divers secteurs. L’approche adoptée pour examiner ce phénomène criminel offre une analyse décloisonnée de la cybercriminalité.

Le livre de Benoît Dupont est structuré en cinq grandes parties, chacune abordant différents aspects, enjeux, défis et éléments en lien avec la cybercriminalité, la cybersécurité et l’écologie. La fragmentation de l’ouvrage en sections et la distribution des sujets traités en chapitres permettent une lecture continue ou ciblée selon les besoins du lecteur.

La première partie présente et explique trois outils théoriques essentiels pour mieux comprendre les risques numériques engendrés par l’expansion de la technologie dans nos sociétés (p.16-24). Dans cette section, Benoît Dupont y examine les concepts de configuration de Norbert Elias, la société en réseau de Castells et la théorie de l’acteur-réseau de Bruno Latour. L’analyse de ces outils théoriques offre une introduction pertinente et indispensable à l’ouvrage. Suivant cette section, un portrait de la perspective écologique est dressé (p.25-33). Cette exploration de l’approche écologique est idéale pour comprendre les concepts clés que l’auteur utilise tout au long de l’ouvrage. La perspective écologique se révèle complémentaire et s’arrime harmonieusement aux outils et concepts théoriques présentés dans la première partie.

La deuxième section se concentre sur les éléments, composantes et entités des cybercrimes, notamment les concepts de cyberespace et de communautés (p.37-54). La cybercriminalité s’articule autour de trois grandes communautés : la communauté industrielle, la communauté délinquante et la communauté de la sécurité. Ces trois groupes sont interdépendants et en interaction constante, avec des modes d’interaction variés, allant de la compétition à la collaboration, en passant par la prédation. L’auteur examine également les vulnérabilités au sein de la communauté industrielle, exacerbées par la compétition croissante dans ce secteur (p.55-67). Ces failles sont ensuite exploitées par les cyberdélinquants.

La troisième section explore le fonctionnement de la communauté criminelle. L’auteur explique que les technologies accélèrent l’innovation dans la commission d’actes illicites, modifiant ainsi le fonctionnement de cette communauté. Ce point est illustré par une discussion sur différents types de crimes intégrant le numérique (p.71-81). La cybercriminalité influence la confiance entre les délinquants et exige une adaptation constante de ces derniers face à la communauté de la sécurité (p.83-98). De plus, l’auteur met en lumière un aspect crucial de l’évaluation de la cybercriminalité : son processus de coévolution (p.99-113). L’interaction des communautés et ce processus de coévolution sont des aspects particulièrement bien expliqués par l’auteur, faisant de cet ouvrage une publication unique dans l’évaluation du phénomène de la cybercriminalité.

La quatrième section examine le fonctionnement de la communauté de sécurité, en particulier les raisons pour lesquelles certaines institutions, comme les systèmes judiciaires et policiers, sont mal adaptées (p.117-132). Bien que la cybercriminalité et la cybersécurité évoluent conjointement, il existe une disparité entre les capacités de la communauté de sécurité et celles des cyberdélinquants. L’auteur met en évidence les efforts des acteurs privés et publics pour lutter contre les cybercrimes (p.133-146), mais souligne également les nombreux défis auxquels ils sont confrontés.

La dernière section du livre se concentre sur l’identification de réponses et de modes de gouvernance appropriés face aux cybercrimes. Pour ce faire, l’auteur utilise l’analyse de réseaux pour observer et analyser l’organisation des communautés (p.149-155), explore les diverses sources et moteurs de régulation (p.155-171), et examine l’utilité de l’approche écologique en théorie et en pratique dans le domaine de la cybersécurité (p.173-188). Bien que certains termes et concepts soient difficiles à comprendre au premier abord, l’auteur les explique de manière à ce que les lecteurs moins familiarisés avec la perspective écologique puissent les saisir.

En conclusion, ce livre offre une analyse d’un phénomène criminologique en s’appuyant sur diverses disciplines. L’auteur crée ainsi un nouveau cadre d’analyse où les écosystèmes et les entités sont pris en compte dans l’évaluation de la cybercriminalité. Comme le résume Benoît Dupont en conclusion, « dans un tel environnement technologique où les turbulences se succèderont et multiplieront les opportunités criminelles, il est vital de maintenir la diversité des approches et des concepts mobilisés pour interpréter les évolutions de la cybercriminalité » (p.192). Cette proposition résume bien l’objectif de l’auteur tout au long de son ouvrage et son désir de continuer à explorer cette voie pour mieux comprendre et maîtriser le phénomène de la cybercriminalité.

JADE PHILBERT
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

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