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Étienne De Greeff (1898-1961). Psychiatre, criminologue et romancier

Par Joris Casselman
Bruxelles: Groupe Larcier. 2015.

Le nom et l’œuvre du Belge Étienne De Greeff sont associés à la « criminologie clinique », c’est-à dire à une criminologie au carrefour de la psychologie et de la médecine-psychiatrie sur le thème des jeunes délinquants, des criminels adultes et des victimes d’actes criminels. Cette criminologie clinique est liée historiquement au cœur de la criminologie belge du XX è siècle. La figure marquante est évidemment celle d’Étienne De Greeff ainsi que de celles de ses émules belges, soit: Christian Debuyst (qui écrit incidemment la Préface de ce livre); Joris Casselman lui même, l’auteur de ce livre; Jean-Pierre De Waele et quelques autres. Les travaux scientifiques, tout simplement remarquables pour l’époque, soit entre 1925 et 1975, de ces « criminologues », ont été quelquefois qualifiés, du moins en Amérique du Nord, au Québec en particulier, de l’étiquette suivante: « L’École belge de criminologie ». Au delà des frontières belges, cette criminologie fut reconnue tout d’abord par le Français Jean Pinatel (1913-1999), puis par le Québécois d’origine hongroise, Denis Szabo (1929- ). Denis Szabo avait d’ailleurs fait ses études doctorales en Belgique avant d’immigrer au Québec et de fonder l’École de criminologie de l’Université de Montréal en 1960. Pinatel devait s’associer subséquemment avec Anne-Marie Favard, et Szabo avec Marcel Fréchette, deux psychologues cliniciens. C’est ainsi qu’une collaboration étroite Belgique-France-Québec se forgea autour d’une définition relativement commune de la criminologie clinique. Soulignons d’ailleurs que Jean Pinatel, Christian Debuyst et Jean-Pierre De Waele furent des professeurs invités à Montréal à plusieurs reprises entre les années ’70 et ’90. Cette collaboration relativement intense a permis de développer une criminologie interdisciplinaire remarquable et remarquée où un équilibre a été atteint entre la criminologie clinique ou « psycho-criminologie » et la criminologie des organisations ou « socio-criminologie » (police, tribunal, prison …). Elle a permis à la criminologie nord-américaine, entre autres, de jouer ainsi un rôle fort utile au sein du système de justice pénale.

C’est donc dans cette perspective historique que l’auteur du présent livre recensé, Joris Casselman, présente la vie et l’oeuvre d’Étienne De Greeff (1998-1961). Casselman est lui même un médecin-psychiatre et un professeur émérite de l’Université de Louvain (flamande). Le livre a d’ailleurs été écrit en flamand et traduit en français par Yannick Alexandre et Anne Wyvekens, ce qui n’était pas une tâche facile avec ses 438 pages.

Étienne De Greeff était donc un médecin-psychiatre, un criminologue et un romancier à ses heures. Une combinaison fort rare et un parcours interdisciplinaire exemplaire. Comme le souligne Joris Casselman, De Greeff nous a livré une œuvre impressionnante, originale et visionnaire, parfois dramatique, de sa vie. Interviews, archives diverses, visites des lieux significatifs, œuvres d’Étienne De Greeff lui même et publications le concernant constituent la base d’un minutieux travail de reconstruction. On découvre au fil des pages, un humaniste personnaliste passionné, un être d’une grande intelligence, toujours aimable, mais inflexible lorsqu’il s’agissait de défendre ses idées. Par la suite, l’auteur analyse la portée actuelle de son œuvre. Quoi de plus actuel, dans un monde psychiatrique dominé par les neurosciences, et face à une pratique criminologique qui navigue au compas de l’approche statistique et purement factuelle, que le plaidoyer de De Greeff pour « l’humain en l’homme » ? Sa vision de l’homme s’inspire de la phénoménologie et de la psychodynamique, tout en conservant un solide ancrage biologique. L’examen interdisciplinaire de la personne et la description des processus criminogènes ont valu à De Greeff une renommée mondiale dans le domaine de la criminologie.

Ce livre « substantiel » de Joris Casselman est un « véritable tour de force ». Traiter ainsi en 438 pages d’une œuvre aussi importante et aussi touffue est en soi une « contribution colossale ». Comme le souligne Christian Debuyst dans la Préface du livre, « cet ouvrage constitue une excellente initiation à ce qu’était la psychiatrie et plus largement le monde universitaire de l’époque. Il fait penser à une « somme » (comme on dit la somme de Saint Thomas), bien ordonnée, parce qu’elle ne laisse rien de côté et qu’elle est par le fait même très utile » (p. 17).

ANDRÉ NORMANDEAU
Université de Montréal

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