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RCCJP – Volume 64.2 (2022)

Criminologie générale

Par Nina Admo
Montréal : Les Éditions Modulo. 2021. 287 p.

Nina Admo est détentrice d’une maîtrise en criminologie pour laquelle elle s’était mérité le prix du ministère de la Sécurité publique du Québec. Pédagogue chevronnée, elle enseigne au Cégep de Maisonneuve depuis 2003 où elle exerce aussi les fonctions de directrice du département des Techniques auxiliaires de la justice. Elle a obtenu, en 2016, le prix d’excellence en enseignement de la Faculté de l’Éducation permanente de l’Université de Montréal. Ses qualités de chercheuse, notamment au Centre international de criminologie comparée, lui ont aussi permis d’enrichir grandement cette 4e édition de l’ouvrage tant au point de vue du contenu scientifique qu’à celui de la présentation, lequel est d’une qualité exceptionnelle.

« Criminologie générale » est, en effet, un livre dont l’objectif pédagogique est évident. Conçu pour les étudiants en techniques auxiliaires de la justice dans les Collèges, il est tout aussi profitable pour les étudiants, de quelque niveau que ce soit, qui débutent en criminologie. Toute personne désireuse d’en connaître davantage sur « l’étude des phénomènes réels de l’accomplissement du crime et de la lutte contre le crime, (E. Seelig) » y trouvera une mine d’informations pertinentes.

Dans une première partie, le livre explique que, souvent confondue par le public avec le Droit pénal, la criminologie est une science autonome et multidisciplinaire dans son étude des divers aspects des comportements qui dévient des normes sociales acceptables (auteurs : Ferri et Szabo). Ces normes étant en perpétuelle évolution, on parlera aussi de légalisation, de décriminalisation et de déjudiciarisation.  La nature de ces comportements est ainsi présentée dans ses différentes formes : crime, déviance, marginalité, etc. Cette première partie aborde, ensuite, les méthodes par lesquelles s’effectuent les recherches et les conclusions auxquelles sont parvenus différents chercheurs à travers le temps, quant aux moyens de lutter contre ces comportements. Se sont ainsi formées diverses écoles de pensée : classique (Bentham – Beccaria), positiviste (Lombroso – Ferri – Garofalo) et de défense sociale (Ancel). Le livre met ensuite en évidence les modèles de justice contemporains qui prônent l’abolition du système traditionnel (Hulsman), la négociation criminel-victime (approche séculaire reprise par la Commission de réforme du Droit du Canada), justice réparatrice (Zehr). Une place importante est réservée aux mouvements féministes. Les méthodes d’inventorier la criminalité et les limites de l’estimation que la recherche peut en faire sont enfin présentées de façon concrète et accessible.

Dans une seconde partie, le livre aborde les points de vue des penseurs quant aux causes de la criminalité. Un premier thème est celui des facteurs individuels dans le cadre duquel les premiers auteurs attribuent le crime à des facteurs innés : pathologies congénitales, hérédité et facteurs ethniques.  Le livre y dévoile ensuite les effets criminogènes et victimogènes et de marginalisation de la discrimination systémique, des conflits de culture, des facteurs économiques, des capacités intellectuelles, de la santé mentale et des diverses dépendances et toxicomanie.

Les considérations subséquentes traitent des réponses apportées par la littérature criminologique quant à la double question qu’on pourrait formuler comme suit : la société fabrique-t-elle parfois ses propres délinquants et/ou, au contraire, favorise-t-elle parfois l’adaptation des individus ? Les effets de la consommation (Marcuse), de l’anomie (Durkheim), de la fréquentation de pairs criminalisés (Sutherland) des tensions sociales (Agnew), et de l’adaptation sociale (Leblanc) sont définis et expliqués ainsi que l’influence de la famille, de l’école, du travail, de l’économie et du milieu géographique.

Mais l’étude des facteurs a ses limites qui sont bien définies dans l’ouvrage lequel a le mérite de toujours garder son objectivité par rapport aux théories présentées. La présentation visuelle tel des graphiques, des tableaux et même des portraits photographiques des principaux auteurs et penseurs qui ont façonné la criminologie, concrétisent les notions et l’œuvre des dits personnages.

La troisième partie traite de passage à l’acte, de victimologie et de prévention. Elle fait ainsi un pas de plus vers l’objectif fondamental du livre qui est celui de la formation d’intervenants policiers, criminologues, intervenants en délinquance et autres travailleurs du domaine de la justice pénale. Nous retrouvons ici les théories sur les facteurs dits de déchaînement (Seelig), de la constitution délinquantielle (Di Tullio), du noyau central de la personnalité criminelle (Pinatel) ainsi que les processus de passage à l’acte tels l’interaction des facteurs d’inhibition, de situation et de contact avec la réalité (hexagone de Giannel) et le processus criminogène (De Greef). Diverses typologies criminelles sont aussi présentées : celle en cinq types, incluant le criminel-né de Lombroso et en détaillant quatre autres types (Ferri), celle qui établit les liens entre les types de criminels et les réactions sociales qu’ils suscitent (Clinard et Quinney) et, enfin, celle concernant les jeunes contrevenants (Fréchette et Leblanc). Les deux chapitres subséquents traitent de types de criminalité. Y sont évoquées notamment les agressions sexuelles et la cybercriminalité, des crimes pour lesquels la réprobation sociale est de plus en plus évidente en raison de leur impact sur les victimes.

Ceci amène le prochain chapitre de cette troisième partie qui aborde les différentes typologies de victimes selon les approches traditionnelles et modernes, présente les enquêtes de victimisation basées sur des sondages auprès des victimes, énumère les conséquences financières, physiques, psychologiques, existentielles, sociales pour les victimes et parle des victimes collatérales comme le sont les proches et les témoins. Une section fort importante de ce chapitre aborde l’attitude et les mesures prises par la société et le système en faveur des victimes: Loi sur l’indemnisation des victimes d’acte criminel, groupes de recherche, et Charte canadienne des Droits des victimes. Finalement, on trouve un chapitre sur l’analyse des moyens préconisés, depuis les dernières années, pour prévenir le crime: prévention situationnelle, par l’aménagement du milieu, par la résolution des problèmes et par l’approche communautaire de la police. Tout cela permet aux futurs intervenants de connaître et, éventuellement, d’adopter les outils développés par la science et par l’expérience pour faire échec à la criminalité.

En résumé, « Criminologie générale » est un livre dont l’ambition première était de nature pédagogique. Il se destinait à des étudiants. Par son contenu scientifique, ses exemples, ses illustrations et sa présentation générale, il atteint pleinement ses objectifs et les dépasse largement. Car ses qualités en font un ouvrage susceptible de favoriser une connaissance et même un approfondissement de la nature de la criminologie, de ses origines, de ses ramifications et des méthodes qu’elle préconise pour lutter efficacement contre le crime et la criminalité. Il devient donc intéressant pour tous ceux et celles qui sont curieux de connaître cette discipline.

SAMIR RIZKALLA
CRIMINOLOGUE – QUÉBEC

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