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RCCJP – Volume 65.2 (2023)

Traité de médecine légale et criminalistique. 3e éd.

Jean-Pol Beauthier (Sous la direction de)
Vlaams-Brabant, Belgium : De Boeck. 1352 p.

Depuis sa première édition en 2007, le Traité de médecine légale (TML), sous la direction de Jean-Pol Beauthier, médecin légiste et professeur à l’Université libre de Bruxelles (Laboratoire d’Anatomie, Biomécanique et Organogenèse), est devenu l’ouvrage de référence francophone de cette discipline, intéressant médecins légistes, anatomo-pathologistes, policiers, juristes, avocats, juges. Dès son origine, le TML ambitionne une approche polyvalente de la médecine légale, abordant non seulement des notions physico-chimiques ou physiopathologiques de base, avant de les appliquer à la problématique médico-légale, mais aussi l’histopathologie, l’odontologie et l’anthropologie médico-légales ou encore la toxicologie et les preuves génétiques. Sa mise à jour de 2011, faisant passer la 2ème édition de 838 à 1054 pages, est actualisée et complétée en 2022 par une 3ème édition de 1356 pages, dont l’apport principal justifie l’évolution de son nom en Traité de médecine légale et criminalistique (que nous noterons TMLIII pour la fluidité de cette recension).

Admirablement illustré de plus d’un millier de photographies, schémas, graphiques, tables, etc. qui en font une référence internationale dépassant la sphère francophone, le TMLIII est divisé en 12 parties (dont une annexe) :

  • La partie 1 « La mort et la place de la médecine légale dans la société », met la table de ce traité par un chapitre nouveau présentant la vision médico-légale d’un lien historique entre la médecine légale et la criminalistique, avant de définir la mort, de distinguer la mort naturelle et la mort subite, puis sous le label de thanatologie, de décrire les signes précoces, semi-tardifs et tardifs de la mort.
  • La partie 2 présente les investigations générales en médecine légale thanatologique, sériant en 7 chapitres la levée de corps, l’autopsie médico-légale, l’imagerie médicale thanatologique, la traumatologie médico-légale générale, les artéfacts thanatologiques, les cicatrices et un chapitre inédit sur la restauration et l’identification des tatouages. Comme ses éditions précédentes, le traité offre une richesse d’illustrations, notamment en imagerie médicale.
  • La partie 3 en 11 chapitres, entre dans les détails des signes de mort violente sur les corps, des hypoxies, asphyxies, strangulations, pendaisons, noyades, effets thermiques, incendies, risques électriques, la balistique lésionnelle, des armes non léthales et des traumatismes crânio-encéphaliques ou encore vertébraux et médullaires, avant de conclure sur le sujet d’actualité des violences au sein des familles, faisant le lien avec la partie suivante.
  • De fait, la partie 4 traite l’enfance maltraitée, dossier dont la sensibilité explique peut-être sa distinction du chapitre précédent sur les violences familiales. Il est vrai que ses quatre chapitres spécifiques (la maltraitance infantile, les traumatismes crânio-encéphaliques chez l’enfant, la mort inattendue et la mort subite du nourrisson, la problématique du fœtus et du nouveau-né en médecine légale) forme un tout cohérent, même si le lecteur peut regretter que le syndrome du bébé secoué ne fasse l’objet ni d’une section spécifique, ni même d’un référencement indexical comme dans les éditions précédentes.
  • Les violences sexuelles font l’objet de la partie 5 constituée d’un seul chapitre, il est vrai très dense (30 pages).
  • La partie 6 couvre les traumatismes liés à l’accidentologie, dont la partition incomplète des éditions antérieures (accidents du trafic routier discriminant les lésions en voiture, en moto et à pied et collision de trains) se voit ajouter un court chapitre sur les accidents d’aéronefs, qui reste enfant pauvre de cette partie.
  • L’ostéologie lésionnelle (partie 7 en 4 chapitres) prépare et introduit la partie 8 suivante sur l’identification des personnes, l’anthropologie et la taphonomie, incluant l’odontologie (chapitre 4), avant de conclure sur les problématiques des catastrophes de masse, des migrants décédés et du terrorisme ; en bref, de l’identification de personne en milieu ouvert. Le lecteur peut s’interroger de la présence terminale d’un chapitre 8 sur la reconstruction faciale (abordant la questionnable superposition faciale, la restauration, la reconstruction, la comparaison d’mages ou encore le vieillissement) qui auraient tout autant pu faire le lien, plutôt avec la partie sur la criminalistique, soit par exemple dans les derniers chapitres de la partie 9.
  • La partie 9 (techniques de laboratoire) complète la suite de l’examen médico-légal par les examens connexes, comme l’anatomie pathologique macroscopique et microscopique (chapitre 1), la toxicologie clinique et médico-légale (chapitre 2), les champignons toxiques et hallucinogènes (chapitre 3) – quelque peu incongrus ici, à rattacher plutôt à la partie suivante -, les matrices alternatives en toxicologie post-mortem (chapitre 4), la biochimie post-mortem (chapitre 5). Ses deux derniers chapitres (l’entomologie médico-légale et les prélèvements cliniques et thanatologiques, dont la séquence pourrait d’ailleurs être opportunément inversée), annoncent la partie novatrice qui suit, qui explique principalement l’augmentation de ce TML.

De fait, plus de 200 nouvelles pages à partie égale dans les parties 10 et 11 complètent l’édition précédente.

  • La partie 10, consacrée à la criminalistique, ou science forensique (le terme fait d’ailleurs l’objet d’une analyse critique en introduction du TMLIII, pour être finalement adopté dans le titre de la partie 11) apportent les expertises de chercheurs américains, australiens, canadiens, français, suisses, mobilisés autour du Groupe de recherche en science forensique de l’Université du Québec à Trois-Rivières. La notion centrale de la trace (et non empreinte) physique, chimique, biologique et numérique y est développée de la gestion de la scène de crime à l’interprétation de la preuve à des fins d’enquête et de justice. L’éventail de mise en application s’étend de la révélation et de l’identification des traces digitales, au séquençage et à l’interprétation des traces génétiques, aux microtraces de transfert, à la gestion des images, la projection des traces de sang, l’odorologie canine, la gestion des traces chimiques (toxicologie, incendie, explosion, environnement), la contrefaçon, la falsification et l’analyse comparative de documents, et aux traces numériques. Cette contribution nouvelle en bien des points permet au TMLIII d’améliorer son offre précédente réductrice de police technique en une reconnaissance factuelle de la science forensique.
  • La 11ème et dernière partie (avant les annexes) boucle par une vision légale et sociétale la réflexion initiée lors de la première partie sur la perception et la gestion de la mort et des défunts par une analyse comparative entre la Belgique, la France, le Canada et le Maghreb sur la science forensique, la déontologie de l’expert, son témoignage en justice et la valeur de la preuve, sans négliger le respect dû aux restes humains. Une perception juridique et sociétale comparée entre la Belgique, la France, la Suisse, le Maghreb et le Canada conclue cette partie avant les annexes.

Si la très riche bibliographie est renvoyée à des compléments numériques en ligne pour éviter de surcharger ce pavé volumique, un index indispensable permet au lecteur de naviguer pertinemment en fonction de ses questionnements.
Nonobstant les quelques critiques émises dans sa structuration inhérente à un modèle de 2007 non remis en cause par l’éditeur, nécessitant donc une adaptation intégrative des nouvelles connaissances ajoutées à une trame qui pourrait être encore plus optimisée par l’intégration du volet forensique, le TMLIII ne se contente pas d’actualiser, ni d’augmenter son contenu scientifique, opérationnel, pédagogique unique au monde. Avec la participation de collaborateurs belges, français, suisses, canadiens, italiens, portugais, maghrébins, congolais, américains, australiens et néo-zélandais, il consacre sa pertinence et sa reconnaissance au-delà du cercle de la francophonie. Il tend vers son objectif annoncé dès sa première édition de « réaliser tant au niveau de l’enseignement qu’au niveau de l’organisation » de la médecine légale « une spécialisation complète et reconnue comme telle à l’instar des autres disciplines médicales ». Puisse cette collaboration initiée lors de cette édition avec la science forensique servir aux deux disciplines.

FRANK CRISPINO
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À TROIS RIVIÈRES (UQTR)

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