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Le crime, l’empreinte et la science

Par Alexandre Beaudoin et Amélie Charron
Montréal : Éditons MultiMondes. 2018.

Ce livre fort modeste (118 pages) mais fort intéressant et utile est un travail de « criminalistique », un secteur spécialisé de la criminologie. La criminalistique est l’ensemble des techniques mises en œuvre par les services de la police et de la justice pénale pour établir la preuve d’un crime et pour identifier son auteur. On appelle généralement ce secteur du nom populaire de « police technique ». Une revue suisse bien connue en criminologie, fondée en 1948, porte précisément le titre de: « Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique » Elle est l’organe officiel de l’Association internationale des criminologues de langue française (AICLF). L’enseignement de la criminalistique n’est pas enseigné généralement au sein même des départements de criminologie ni des facultés de droit car sa nature proprement « science » l’associe plutôt aux départements de biologie, de physique et de chimie. Évidemment, criminologie, droit et criminalistique ont quelquefois des projets communs, ce qui va de soi. Par exemple, au Québec, la criminalistique est enseignée à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Le programme est dirigé par un ex-policier franco-français issu de la Gendarmerie nationale qui est devenu un expert en matière de police scientifique. Toutefois, signe que la criminologie et la criminalistique sont liées, cet expert et son équipe de professeurs, de chercheurs et de praticiens participent aux activités du Centre international de criminologie comparée (CICC) de l’Université de Montréal.

Les auteurs du livre sous recension sont précisément liés à la criminalistique en tant que tel. Alexandre Beaudoin est chercheur en criminalistique à la Sûreté du Québec, le service de police provincial. Président et co-fondateur de l’Association québécoise de criminalistique, il est chargé de cours en intervention sur les lieux de crime à l’UQTR. Il a reçu l’Ordre du Mérite des corps policiers remis par le Gouverneur général du Canada. Amélie Charron est diplômée en biologie et elle enseigne les sciences. Ces deux auteurs nous avertissent que, tout au long de cet ouvrage, les termes généraux d’enquêteur, d’expert et de spécialiste sont utilisés pour décrire les gens qui travaillent sur les scènes de crime et qui récupèrent des preuves, peu importe leur spécialisation: technicien en scène de crime, technicien en ivressomètre, expert en collision, dactyloscopiste, balisticien, biologiste judiciaire, médecin légiste, et cetera.

Meurtre ? Accident ? Les policiers enquêteurs dépêchés sur une scène de crime vont ratisser les lieux au peigne fin. S’il y a toujours des traces qui témoignent du drame, que ce soit une empreinte de doigt sur un mur, des marques de semelles sur la plancher, ou encore quelques gouttes de sang sur un canapé, encore faut-il pouvoir les décoder, les comprendre et les interpréter. À l’instar des archéologues, nous disent les auteurs, les enquêteurs doivent donc faire « parler » les indices. Une démarche minutieuse, patiente et rationnelle qui se situe bien loin des épisodes de téléséries auxquelles nous sommes habitués. Cette fascinante incursion dans le monde policier nous révèle non seulement l’ABC d’une enquête, mais aussi tout le processus en marche pour notamment décrypter les traces de toutes sortes laissés par d’éventuels suspects.

Les auteurs ont le mérite de nous avertir que ce petit livre n’est pas le genre de mises en situation hollywoodiennes auxquelles les émissions de télévision ou les films dits policiers nous ont habitués, comme les NCIS. Avec succès d’ailleurs, ces séries attirent des millions de téléspectateurs en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs et elles obtiennent des cotes d’écoute fracassantes. Mais, affirment les auteurs: « Reflètent-elles véritablement la réalité et le sérieux d’une enquête de police ? Quels sont donc les vrais principes scientifiques et technologiques qui accompagnent le travail policier » (p. 14). Dans cette perspective, les auteurs nous invitent donc à plonger avec eux dans le véritable univers scientifique de l’investigation. Comme ils le disent avec humour:  » Ce n’est pas aussi ‘glamour’, mais c’est beaucoup plus captivant » (p.17).

Le lecteur de ce livre jugera si c’est le cas. Pour notre part, notre jugement est fait: ce petit livre est un vrai plaisir à lire même si nous ne sommes pas des experts en criminalistique, mais seulement des criminologues et de juriste. Car enfin, un bon travail de criminologue et de juriste doit être éventuellement éclairé par la criminalistique, me semble-t-il. Ce livre nous offre précisément cet éclairage initial.

ANDRÉ NORMANDEAU
Université de Montréal

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