RCCJP – Volume 66.1
Droit, violences et rapports femmes-hommes : Approche pluridisciplinaire
Geneviève Casile-Hugues (Sous la direction de).
France, Presses universitaires d’Aix Marseille (PUAM). 2024. 252 p.
Le livre « Droit, violences et rapports femmes-hommes : Approche pluridisciplinaire », dirigée par Geneviève Casile-Hugues, propose une exploration des intersections entre le droit, les violences basées sur le genre et les dynamiques entre femmes et hommes à travers une lentille interdisciplinaire. Ce livre fait écho aux nombreux mouvements sur les réseaux sociaux, qui ont mis en lumière, à une échelle internationale, les violences que de nombreuses femmes endurent dans différents contextes sociaux, en particulier dans les espaces publics. Ces mouvements ont joué un rôle clé dans la sensibilisation du grand public à la gravité de ces violences et à leur influence sur la vie quotidienne des femmes.
La violence basée sur le genre constitue l’une des violations des droits humains les plus persistantes et dévastatrices à travers le monde, affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles. La réponse à cette problématique nécessite une approche interdisciplinaire, intégrant le droit, les sciences sociales, la médecine, et bien d’autres disciplines. L’ouvrage s’inscrit dans cette nécessité, fournissant une analyse complète des défis actuels et des pistes pour l’avenir.
Le livre débute avec une perspective historique sur la question des violences conjugales, illustrant comment la compréhension et la législation autour de cette forme de violence ont évolué à travers le temps. Ce regard dans le passé est crucial pour comprendre les racines profondes des inégalités de genre et la manière dont elles se perpétuent dans les structures juridiques contemporaines. Éric Gasparini met en évidence le passage d’un droit de correction marital, implicitement accepté dans les sociétés prémodernes, à une prise de conscience croissante des droits des femmes et de la nécessité de les protéger contre les violences.
Robert Gelli aborde le rôle central du droit pénal dans la protection des femmes contre les violences. L’auteur souligne les avancées significatives réalisées dans ce domaine, tout en pointant les limites des cadres juridiques existants. Il plaide pour une application plus rigoureuse des lois et une meilleure sensibilisation des acteurs judiciaires aux spécificités des violences basées sur le genre. Blandine Chelini-Pont traite des violences faites aux femmes à l’échelle internationale, en soulignant l’apport et les limites de différentes conventions telles que la Convention européenne d’Istanbul. Elle examine l’absence d’une convention internationale spécifique sur la violence envers les femmes, en analysant l’évolution historique des droits des femmes et les efforts ainsi que les obstacles rencontrés dans l’adoption d’une telle convention depuis le début du XXe siècle jusqu’à nos jours.
De nombreuses contributions dans l’ouvrage soulignent les disparités entre les expériences des femmes et des hommes dans divers domaines privés et publics, abordant les questions de violence de genre à travers des études de cas concrets, tels que les maisons d’hébergement, et des analyses dans les milieux universitaires et professionnelles en France ainsi qu’au niveau international, y compris en Chine.
Les auteures Françoise Dignat-Georges et Sophie Sereno explorent les disparités de genre et les obstacles à l’égalité, mettant en avant les efforts nécessaires pour atteindre une réelle parité dans les milieux professionnels. Arnaud Lami se penche sur le phénomène spécifique du harcèlement et des violences au sein des institutions d’enseignement supérieur. Il met en lumière les mécanismes mis en place par les universités pour lutter contre ces violences et propose des recommandations pour améliorer la prise en charge des victimes et prévenir les agressions. Isabelle Régner et ses collaborateurs introduisent un modèle innovant adopté par l’Université Aix-Marseille pour aborder les problèmes de harcèlement et de discrimination au sein de l’enseignement supérieur. Inspiré par les pratiques de l’Université de Montréal, ce modèle marque une première en France et sert de référence pour d’autres établissements universitaires.
Le harcèlement psychologique et sexuel est clairement défini et analysé, avec un focus sur les répercussions qu’il entraîne pour les victimes. Il est souligné que les victimes se heurtent fréquemment à l’absence de moyens de recours et à l’insuffisance de sanctions. Pierre Le Coz offre une réflexion philosophique sur la nature de la violence et sa perception dans la société. Il questionne les seuils de tolérance et la distinction entre les différentes formes de violence, apportant une contribution importante à la compréhension conceptuelle de la violence.
Les chapitres finaux réunissent des réflexions sur les moyens d’améliorer la lutte contre les violences de genre, en soulignant l’importance de la sensibilisation, de l’éducation, et de la mobilisation collective. Les contributions de Guylène Nicolas, Karine Sferlazzo et Laura Escudier, mettent entre autres en lumière le manque de recherche sur les problématiques médicales spécifiques aux femmes telles que l’endométriose et les violences gynécologiques dans le domaine de la santé. Ils soulignent l’importance d’adopter une approche globale, impliquant le renforcement des dispositifs juridiques, le soutien aux victimes, et la promotion d’une culture de respect et d’égalité.
Bien que l’ouvrage offre une vue d’ensemble des enjeux liés aux violences femmes-hommes, certains lecteurs pourraient souhaiter une exploration plus approfondie de la question de l’intersectionnalité et de la manière dont les violences affectent différemment les femmes en fonction de leur race, de leur classe sociale, ou de leur orientation sexuelle.
« Droit, violences et rapports femmes-hommes : Approche pluridisciplinaire » est un ouvrage qui apporte des éclairages diversifiés sur un sujet de société crucial. Cet ouvrage représente une contribution à la littérature sur les droits des femmes et les études de genre, offrant des analyses profondes, des réflexions critiques, et des propositions concrètes pour avancer vers cet objectif. Les contributions de chaque chapitre, en abordant les violences de genre sous des angles historiques, juridiques, philosophiques et internationaux, offrent une compréhension riche et nuancée des défis à relever pour protéger efficacement les femmes contre la violence. Ce livre est un appel à l’action pour tous les acteurs concernés – chercheurs, législateurs, juristes, praticiens, médecins, intervenants et militants – afin de poursuivre la lutte contre les violences basées sur le genre avec rigueur, compassion et engagement renouvelé.
ANDREEA I. ZOTA
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL