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Comment intervenir efficacement auprès des jeunes délinquants?

Par Michel Born
Bruxelles : de Boeck Supérieur. 2019. 208 p.

La première édition de ce livre a été publiée en 2011. Cette deuxième édition a été révisée et augmentée de quelques chapitres. Parmi les leviers de la désistance, trois chapitres ont été ajoutés: l’empathie, le développement des habiletés sociales et la restauration des valeurs. En outre, la quatrième partie propose deux nouveaux chapitres, le premier sur l’application de l’approche aux délinquants à caractère sexuel ou toxicomanes et le deuxième sur la prévention et le travail en milieu ouvert.

Ce livre est un digne représentant de l’approche « psychodynamique » de réadaptation des jeunes délinquants dont la conception et la mise en oeuvre ont d’abord été exposées par Aichhorn (1935), un élève de Freud. Cette approche dominante en Europe francophone est aujourd’hui dénommée « psychopédagogique » et ses développements les plus récents sont recensés par Capul et Lemay (2005). Au Québec, le terme de « psychopédagogique » a un équivalent « psychoéducative » et les travaux de Gendreau (1978, 2001), Le Blanc (1983) et Le Blanc et Trudeau Le Blanc (2014) l’exposent.

L’introduction ratisse large en énumérant un vaste ensemble de principes très généraux qui sont aujourd’hui incontestables dans les milieux de l’intervention auprès des jeunes délinquants. Ceci tout en retenant certains qui sont maintenant incontournables et empruntés à l’approche comportementale renouvelée, la restructuration cognitive, les habiletés sociales et les mécanismes d’apprentissage. Ces derniers ne faisaient pas partie de l’approche psychopédagogique à la fin du siècle dernier mais, à la même époque, ils étaient présents dans l’approche psychoéducative québécoise (Le Blanc, Dionne, Proulx, Grégoire et Trudeau Le Blanc 1998).

La première partie sur les voies de l’efficacité commence en énumérant les treize conditions nécessaires à la réadaptation que Gendreau, Tardif, Baillargeon et Bilodeau (1999) dégagent de rencontres avec plus d’un millier d’éducateurs québécois en réadaptation. L’auteur enchaine avec un plaidoyer vigoureux sur le transfert des connaissances scientifiques et cliniques vers les éducateurs sur le terrain, mais malheureusement sans insister sur la nécessité d’établir le caractère probant de l’efficacité de la réadaptation et de ses moyens (voir Le Blanc, 2019).

La seconde partie du volume est à la fois traditionnelle et innovatrice pour l’approche psychopédagogique européenne. D’abord, elle porte sur les leviers psychologiques que devraient privilégier les éducateurs pour stimuler la sortie d’un parcours de délinquance, la désistance. Dans la tradition psychodynamique, à la base des approches psychopédagogique et psychoéducative, il s’agit de « la relation ». L’auteur développe certains moyens et attitudes éducatives un savoir-être et un savoir-faire: l’écoute, l’aide et le contrôle, l’empathie et le sujet de la question de la honte et de la culpabilité. Par contre, il ne mentionne pas l’importance des conditions sociales qui sont scientifiquement identifiées comme favorisant la désistance comme l’entrée dans un parcours prosocial par l’entremise des études, du travail, d’une relation stable avec une conjointe, etc. Ensuite, cette seconde partie innove en introduisant dans l’approche psychopédagogique des technologies de l’approche comportementale, à savoir l’apprentissage, la résolution d’un problème et le développement des habiletés sociales. Il ne s’agit pas ici d’habiletés interpersonnelles comme la communication, mais de savoirs faire pour s’insérer dans la société par la scolarisation et le travail : des habiletés essentielles pour maintenir la désistance à long terme.

La troisième partie du volume aborde des questions relatives aux contextes institutionnels de l’intervention, en particulier en milieu résidentiel. Le chapitre treize est remarquable. Il porte sur l’analyse de l’institution et il est du plus grand intérêt même si ce thème a été amplement approfondi par l’approche psychoéducative. L’auteur rapporte les méthodes et les résultats de ses propres études empiriques originales sur l’analyse de l’institution qui n’est pas connues dans les milieux d’intervention au Québec. Ce chapitre est important pour les gestionnaires de tous les niveaux dans les services de milieux naturels et résidentiels.

La dernière partie du livre est consacrée à des clientèles spécifiques, les jeunes délinquants à caractère sexuel, qui abusent des drogues et radicalisés et aux applications de l’approche psychopédagogique à l’intervention de prévention et en milieu ouvert. Ces trois catégories de jeunes délinquants présentent des difficultés particulières pour les éducateurs spécialisés qui doivent adapter certaines de leurs interventions. L’auteur a oublié la catégorie de jeunes délinquants ceux qui présentent des problèmes de santé mentale significatifs mais qui ne nécessitent pas une intervention psychiatrique.

Le livre de Michel Born est une excellente introduction à l’approche psychopédagogique malgré les limites mentionnées précédemment. C’est une introduction parce que la composante didactique des leviers de l’éducateur est insuffisamment développée. Dans un cours d’introduction à l’intervention auprès des jeunes délinquants, ce livre serait une lecture obligatoire avec un volume sur l’approche psychoéducative et comportementale de troisième génération comme dans Le Blanc et Trudeau Le Blanc (2014). L’éducateur en cours d’emploi y trouvera des rappels et des matières à réflexion sur sa pratique et le gestionnaire pourrait employer, particulièrement, le chapitre sur l’analyse de l’institution pour en améliorer son efficacité.

MARC LE BLANC
UNIVERSITÉ DE MONTREAL


Références

Aichhorn, A. (1935). Wayward Youth. New York, Viking Press.

Capul, M » &  et Lemay, M. (2005). De l’éducation spécialisée. Toulouse, Érès.

Gendreau, G. (1978). L’intervention psychoéducative, solution ou défi. Paris, Fleurus.

Gendreau, G. (2001). Jeunes en difficulté et intervention psychoéducative. Montréal, Science et culture.

Gendreau, G., Tardif, R., Baillargeon L., & Bilodeau, C. (1999). L’intervention en internat : une intervention qui doit retrouver son sens, sa place et ses moyens. Rapport du Comité sur la réadaptation en internat des jeunes de 12 à 18 ans. Montréal, Association des centres jeunesse du Québec.

Le Blanc, M. (1983). Boscoville, la rééducation évaluée. Montréal, HMH.

Le Blanc, M. (2019). L’évolution de la recherche appliquée sur la réadaptation psychoéducative au Québec, un modèle toujours probant? Revue de psychoéducation, 4, 1: 201-243.

Le Blanc, M., Dionne, J., Proulx, Grégoire, J. &Trudeau Le Blanc, P. (1998). Le modèle différentie et les adolescents en difficulté. Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

Le Blanc, M. & Trudeau Le Blanc, P. (2014). La réadaptation de l’adolescent antisocial. Volume I : Un programme cognitivo-émotivo-comportemental. Volume II : Les documents d’accompagnement. Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

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