RCCJP – Volume 67.1
Yves Apache Trudeau
Par Julian Sher et Lisa Fitterman
Montréal : Les Éditons de l’Homme. 306 p. 2025.
Certains livres qui traitent de la criminalité et des criminels sont catégorisés comme des livres dits « populaires » et non scientifiques et universitaires, de sorte que les juristes et les criminologues sont tentés quelquefois de les laisser de côté et de ne pas en tenir compte pour leurs enseignements, leurs recherches et leurs pratiques. Cette réaction serait hautement préjudiciable à leurs travaux et à leurs pratiques, à mon avis. En effet, certains de ces livres populaires sont des bijoux de connaissances pour mieux comprendre le phénomène criminel et le comportement des délinquants juvéniles et des criminels adultes. Le livre que nous recensons brièvement aujourd’hui relève précisément de cette qualité.
Il s’agit ni plus ni moins de la biographie d’un criminel notoire dans le paysage québécois mais aussi canadien au sens large. Tueur à gages pour le compte des Hells Angels dans les années 1970 et 1980, Yves Trudeau (« Apache » était son surnom dans le milieu criminel) demeure l’un des meurtriers les plus prolifiques du Canada. Après avoir échappé de justesse à la mort, il devient informateur pour le gouvernement et les services policiers et confesse ses crimes, notamment l’exécution de 43 personnes. Ses performances en tant que témoin se révèlent toutefois désastreuses et le temps de détention minimal dont il écope suscite l’indignation de la population. Les auteurs à succès Julian Sher et Lisa Fitterman racontent l’incroyable histoire de cet assassin qui a échappé à la police et à la justice pendant plus d’une décennie. Leur récit captivant et sans concession jette la lumière sur des années marquées par la corruption, l’incompétence et … les meurtres, évidemment.
La réaction à ce récit de l’ex-directeur du Service de police de Montréal, Jacques Duchesneau, est intéressant car il a été directement confronté à titre de policier au meurtrier Yves Trudeau. Il écrit que « Ce livre nous entraine au cœur de l’univers redoutable d’Yves Apache Trudeau, un tueur implacable dont la violence a profondément marqué le milieu criminel canadien. À travers une enquête méticuleuse, les auteurs dévoilent comment cet homme est passé de simple motard marginal à tueur brutal au service des rouages les plus sombres du crime organisé ». Jacques Duchesneau nous rappelle également que ce récit expose non seulement l’horreur des crimes, mais examine aussi les décisions complexes auxquelles les services de police, le système judiciaire et les services des prisons ont été confrontées, notamment la nécessité de négocier le témoignage d’Yves Trudeau pour démanteler des réseaux criminels importants. En explorant la cruauté d’Yves Trudeau et les compromis nécessaires pour faire triompher la justice, cet ouvrage révèle les défis et les choix parfois difficiles qui s’imposent aux autorités policières, judicaires et correctionnelles.
Ce livre est littéralement nous dit-on « un voyage dans les profondeurs de la criminalité qui ne laissera aucun lecteur indifférent ». Après notre propre lecture de ce livre, nous en sommes évidemment persuadés. Nous terminons cette recension en rappelant au lecteur de cette recension qu’il ne faut pas faire d’un tel criminel, Yves « Apache » Trudeau, un héros, malgré que dans le monde criminel il en fut l’un de par ses exploits. Non un héros, mais un caractère imposant dont le mode de vie criminel décrit par Julian Sher et Lisa Fitterman permettra aux juristes, aux criminologues et aux praticiens de la justice en général de mieux comprendre le comportement criminel et d’en tirer des leçons appropriées.
Note / Je me permets de souligner au lecteur de cette recension que l’éditeur de ce livre est également l’éditeur de nombreux livres de cette nature, des livres hautement utiles pour justement mieux comprendre la délinquance, la criminalité, le délinquant, le criminel … et les rouages du système de justice pénale, que ce soit aux niveaux de la police, des tribunaux, des prisons et des solutions de rechange à l’emprisonnement. Simple suggestion de ma part.
ANDRÉ NORMANDEAU
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL