RCCJP – Volume 65.4
Crimes sexuels en ligne, délinquants et victimes: théorie, recherche et pratique
Par Sarah Paquette, Julien Chopin et Francis Fortin
Québec. Les Presses Universitaires de Laval. 2023. 221 p.
L’ouvrage constitue une synthèse très aboutie dans le domaine des crimes sexuels en ligne en langue française à ce jour. L ‘ouvrage est écrit par trois collègues de formation criminologique dont la contribution est complémentaire.
L’ouvrage contient 12 chapitres. Ces derniers, couvre un vaste champ de domaines dont les approches théoriques de la délinquance sexuelle, les théories victimologiques explicatives, les cognitions favorables, le profil des consommateurs, la victimisation durant l’enfance, etc. L’ouvrage fournit une longue liste de références scientifiques dont la majorité est récente. Via le chapitre 4, l’ouvrage documente les recherches incluant les processus technologiques utilisés les délinquants en ligne. Les résultats du projet de recherche sur l’exploitation sexuelle des enfants en ligne (PRESEL) enrichissent la connaissance des processus de délinquance en ligne out au long de l’ouvrage. Plusieurs chapitres sont plus spécifiquement consacrés aux aspects victimologiques : Les chapitre 3 (théorisation victimologiques), chapitre 8 (victimisation durant l’enfance) et chapitre 10 (processus victimologiques). On peut se demander si ces chapitres n’auraient pas pu être regroupés. Toutefois, la définition d’une chronologie de chapitres constitue toujours un choix délicat.
La chapitre 7 constitue un autre point fort de l’ouvrage. Celui-ci réside dans la présentation de nombreux résultats comparatifs entre consommateurs de matériel d’exploitation sexuelle des enfants (MESE) et auteurs de leurres. Ces clarifications distinctives sont essentielles afin de dépasser les amalgames multiples existant concernant les caractéristiques distinctives d’auteurs. Il est à remarquer que les auteurs ont eu la prudence de ne pas se lancer dans une approche descriptive typologique des délinquants en ligne. La même démarche est évitée concernant les victimes.
Au plan formel, le livre se lit facilement, l’écriture est concise et bien formulée. Le style est clairement empirique, soutenu par de nombreuses références. L’ouvrage présente aussi d’évidentes qualités didactiques. En effet, il contient un glosaire de termes techniques au début. Il fournit aussi des résumés à la fin des chapitres. Enfin, des illustrations d’auteurs d’infraction agrémentent la lecture, via des vignettes concrètes dans des encadrés.
C’est sans nul doute au plan pratique que on peut regretter que l’ouvrage ne soit pas plus étoffé. Ainsi, on relève peu de pages au volet de la prise en charge des agresseurs en ligne et de leurs évolutions thérapeutiques éventuelles. On peut donc regretter un nombre limité de références par rapport à la prise en charge clinique des auteurs de crime sexuel en ligne. Par ailleurs, l’ouvrage ne détaille pas des programmes spécifiques- en dehors du I-SOPT- pour la prise en charge pour ces auteurs d’infraction. Néanmoins, le chapitre six, décrit les cognitions favorables à la cyber-délinquance sexuelle. La chapitre 11 inclut une section « Intervention clinique » 11.2. p.171. Ces cognitions sont abordées comme des croyances problématiques entretenues pour les cyber-délinquants sexuels. Dans l’avenir, il paraît important de couvrir les profils psychopathologiques éventuels de ces auteurs ainsi que de leurs sous-groupes. Il paraît utile de dépasser les références classiques concernant les “tendances antisociales ou impulsives » qui constituent les principaux facteurs de risque de la majorité des délinquants, qu’ils soient sexuels ou non. En effet, plusieurs questions se posent ainsi: quelle est la prévalence de symptômes ou de troubles de la personnalité, en particulier ceux du cluster C, avec composante anxieuse ? Quelle est la prévalence des autres troubles mentaux autre celui d’abus et dépendance de substance ou encore de paraphilies? quelle est enfin la comorbidité entre troubles de la personnalité et troubles mentaux ?
L’ouvrage aborde aussi les aspects évaluatifs et notamment les instruments d’évaluation du risque chez ces auteurs. Les instruments cités n’ont pas au départ été conçus directement pour prédire la récidive chez les délinquants en ligne. Certes, il est à regretter, qu’à des fins pratiques, les auteurs n’aient pas encadré les items de ces instruments, tels que la CPORT (Seto & Eke, 2015), la RISK MATRIX 2000 (Thornton et al., 2003) ou encore la STATIQUE-99R de Hanson. En effet, ces derniers sont abordés au sein de paragraphes qui demeurent très succincts à la lecture. La même remarque vaut pour les instruments d’évaluation pouvant servir de mesures pré-test ou post-test telles que la Coping Using Sex Inventory (Cortoni & Marshall, 2001), ou les mesures de Congruence Émotionnelle et Cognitive des Enfants qui peuvent documenter l’évaluation thérapeutique.
Au final, l’ouvrage constitue une synthèse impressionnante dans le domaine des crimes sexuels en ligne en langue française à ce jour. Il intéressera les chercheurs en criminologie en particulier mais propose des pistes d’évaluation et des cibles concrètes de prise en charge.
THIERRY H. PHAM
UNIVERSITÉ DE MONS – BELGIQUE